Il y a dix ans, la sortie du premier iPhone a initié une révolution dans notre rapport à la technologie : les smartphones ont depuis influencé les comportements humains plus encore que lorsque le grand public a découvert le Web au son de la mélodie des modems 48k.
Et il y a fort à parier que la sortie prochaine de l’iPhone 8, attendu pour septembre, n’entame une révolution de même ampleur, introduisant la réalité augmentée dans nos vies là où, il y a quelques années seulement, nous la considérions comme un gimmick pour science-fiction hollywoodienne en mal de scénarii (Creative Control, 2015). Car outre Apple, Google (Projet Tango) et Facebook (Studio AR) ont également fermement mis le cap vers l’AR, laissant entrevoir un monde où pixels et réalité fusionnent pour nous faire entrer dans la Réalité Digitale IRL. Attention les yeux !
On la sent venir depuis quelques temps : Google Glass, Microsoft Hololens, Snapchat, Pokemon GO… La réalité augmentée se profile d’ailleurs comme plus accessible au grand public que la VR, plus populaire chez les développeurs et gamers du fait des exigences matérielles, voire logistiques, qui l’accompagnent. Si l’AR se limite encore aujourd’hui à des publics de niche ou à des gadgets, les big five y voient un nouveau paradigme inévitable.
Cela se ressent notamment à travers les écrans dont on voit de moins en moins les contours (Samsung S8, iPhone 8), les capteurs de plus en plus performants (tel ceux à mesure de distance par temps de vol), les algorithmes désormais capables instantanément d’améliorer le rendu d’une photo ou les cameras capable de modéliser un espace en 3 dimensions aussi facilement que s’il s’agissait de scanner un QR code : tout cela a pour but d’augmenter la réalité sans que l’utilisateur se croie devant un film de série Z aux effets spéciaux plus comiques que crédibles.
Et le smartphone se prête à merveille au rôle d’initiateur de ce changement : si les lunettes et lentilles connectées attendent les utilisateurs dans un recoin du futur presque proche, les écrans des téléphones et leurs caméras se substituent déjà à nos rétines quand il s’agit d’appréhender le monde qui nous entoure. Il est possible de voir Waze projeter la route à suivre sur notre pare-brise (HUDWAY), ou de chasser des monstres dans l’espace public à travers l’écran de nos smartphones. Le prochain iPhone 8 intégrera des capteurs de distance laser à mesure du temps de vol.
Le pari d’Apple (dont le framework ARKit dévoilé en juin dernier permettra au grand public de profiter d’apps AR dès septembre et l’arrivée d’iOS 11) s’inscrit dans la lignée user centric qui a fait le succès de l’iPhone (à la base un iPod intégrant téléphonie et accès Internet) et de Facebook (originellement juste un réseau permettant aux étudiants de se fréquenter en ligne) : les solutions simples à des besoins relativement basiques évoluent plus naturellement vers des révolutions globales que les concepts spectaculaires proches de la science-fiction. Tout simplement parce que ces derniers en jettent plein la vue mais ne facilitent pas particulièrement la vie de tous les jours, ce qui est, au final, un des intérêts majeurs de la technologie.
Cependant, des technologies de pointe telles que, par exemple, la camera pour iOS Structure.io Sensor ou l’implémentation de l’algorithme SLAM (Simultaneous Localization and Mapping) par Facebook qui permettent de faire de la 3D – et donc de l’AR – avec un minimum (voire pas du tout) de hardware, ne sont pas à négliger dans cette optique de réalité augmentée grand public. Mais il faudra mettre ces technologies au service de besoins souvent prosaïques des utilisateurs pour emmener ceux-ci progressivement vers une révolution plus progressive que celle qu’a provoquée l’arrivée du smartphone, bien que de même envergure.
Plutôt que de proposer des expériences impressionnantes, mais dont on se lasse vite, ou qui nécessitent un investissement assez lourd (en temps, en argent voire en espace), comme les expériences de réalité virtuelle immersives, le défi majeur des acteurs de la technologie et des agences digitales sera de ne pas perdre les utilisateurs en chemin en favorisant leur émerveillement au détriment de leurs besoins.
S’il semble évident que d’ici 2020, la réalité augmentée aura profondément changé notre quotidien, le succès des acteurs de l’industrie dépendra de leur capacité à fusionner progressivement la réalité physique et la réalité digitale sans vouloir aller plus vite que la musique. Il est évidemment tentant de proposer un monde où nous serons constamment exposés à une couche d’informations virtuelles venant compléter, en transparence, la réalité dans laquelle nous évoluons. Mais avant de courir, il faut apprendre à marcher. Sinon, on se casse la gueule, ce qui ne donne pas forcément envie de devenir un athlète. Et il s’agit de ne pas confondre Recherche & Développement avec une expérience utilisateur réussie : les outils dont le succès perdure sont ceux qui deviennent indispensables plutôt que ceux qui brillent fort mais brûlent vite.