Alors que l’idiocratie semble gagner irrémédiablement les faveurs de tant de peuples effrayés par tout et son contraire, les progrès de l’intelligence artificielle ne s’encombrent aucunement de toutes ces considérations bassement humaines. Nos émotions n’y pourront rien, pour le meilleur comme pour le pire : l’intelligence artificielle gagne du terrain, et si Skynet ne semble pas – encore – sur le point de s’en prendre aux John Connor du monde entier, il devient difficile de prétendre que la Singularité tant redoutée ne s’est pas échappée du domaine de la science-fiction pour s’inscrire dans une perspective bien réelle. Alors quelle place occupera demain, voire ce soir, l’intelligence artificielle dans les agences comme Emakina et tant d’autres, impatientes de récolter les fruits de ces machines à penser ?
Lorsque l’on parle d’intelligence artificielle (IA pour les intimes), la confusion s’installe facilement. Car ce terme générique recouvre en fait divers concepts qui divergent tant par leurs mécanismes que par leurs applications pratiques. Le Natural Language Processing concerne les systèmes capables de comprendre les subtilités du langage humain, composé de nuances et autres subtilités qui en font la richesse. Les humains eux-mêmes peinent souvent à comprendre, non le sens des mots – quoique – mais bien la signification de ce qu’ils expriment véritablement, en fonction des intonations, des figures de style, des expressions idiomatiques, du contexte, etc. Les malentendus sont légion entre personnes partageant le même langage et la même culture, par exemple. Cela ne fait que renforcer l’émerveillement que suscite la compréhension par une machine de phrases ambiguës au potentiel sémantique multiple.
Certaines applications pratiques de l’intelligence artificielle semblent plus proches de ce que l’on est en droit d’attendre de machines dont la fonction première est le calcul. Les systèmes experts, par exemple, nous semblent moins spectaculaires, malgré les prouesses dont ils sont capables. Les logiciels d’architecture qui calculent d’innombrables paramètres – et facilitent ainsi la tâche des architectes qui voient leurs designs transformés quasi en temps réel en plans prenant en compte la résistance des matériaux et d’autres facteurs complexes – paraissent moins impressionnants alors qu’ils réalisent des tâches qui, il y a quelques années à peine, exigeaient des architectes des semaines de travail laborieux. Désormais, les femmes et les hommes qui conçoivent des bâtiments ou des ouvrages d’art peuvent consacrer plus de temps à des tâches plus “créatives”, les machines se chargeant en quelque sorte de traduire des intentions en exigences techniques aussi précises qu’indispensables à la viabilité des concepts imaginés par l’homme.
Une autre déclinaison de l’intelligence artificielle, plus connue du grand public grâce à la science-fiction et causant à la fois émerveillement et terreur, concerne les mécanismes d’auto-apprentissage. Ceux-là même qui permettent aux machines de poser des choix, de prendre des décisions, d’apprendre de leurs erreurs et de continuellement améliorer leurs propres capacités cognitives. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve des systèmes dont il est permis d’imaginer, à court, moyen ou long terme selon les spécialistes, qu’ils deviennent capables d’être conscients de leur propre existence.
Dans notre vie de tous les jours, citons également les systèmes de reconnaissance vocale ou visuelle. Il ne s’agit pas ici pour un programme informatique de comprendre le sens de ce qu’il “entend” ou “voit”, mais bien de la capacité à interpréter cette information. Les progrès dans ce domaine dépendent essentiellement de la masse de données fournies à ces systèmes, qui s’en nourrissent pour être capables de comprendre, par exemple, une même phrase prononcée prononcée avec des accents très différents. Grâce à des systèmes organisés comme des réseaux de neurones, ils reconnaissent non seulement une forme, ronde par exemple, mais peuvent également différencier une roue d’un œil. L’étape suivante leur permet d’associer les différentes formes qui constituent un ensemble, comme un visage dans lequel se trouve l’œil identifié, avant de déterminer qu’il s’agit d’un humain, d’un singe ou d’un chien.
Mais revenons à nos moutons : quel intérêt présente l’intelligence artificielle pour les agences, qui ne s’occupent pas de recherche fondamentale ? Celles-ci ont tout intérêt à intégrer ces technologies et leurs progrès exponentiels pour les mettre au service de l’expérience utilisateur. Cela implique de nourrir les outils existants de quantité de données pertinentes afin d’en améliorer l’efficacité. Le big data n’est pas un big business pour rien : il ne sert pas uniquement à jouer à Big Brother, il permet également d’alimenter les progrès dont sont capables les réseaux neuronaux virtuels – des algorithmes démunis de bases de données ne sont pas plus utiles que des bicyclettes sans pédales.
Dans le domaine du Marketing Automation, le recours à l’IA permet par exemple de segmenter les utilisateurs de manière plus efficace, en recoupant leurs intérêts avec la manière dont ils se comportent sur tel site Internet ou tel courriel ainsi qu’avec les données issues des réseaux sociaux qu’ils fréquentent. Grâce à cela, il devient possible de personnaliser le contenu qui leur est proposé afin de répondre à leurs attentes avant même qu’ils les expriment. Ce qui améliore bien entendu de manière non négligeable l’expérience utilisateur.
Cette approche peut se transcrire aisément dans le domaine de l’e-commerce, en implémentant ce type de liens entre les données afin de parvenir à anticiper les produits et services que l’utilisateur désirera obtenir en fonction de ses choix antérieurs, au-delà de ce que propose déjà Amazon, par exemple, en référant à ses clients les produits les plus populaires parmi les utilisateurs qui ont acheté le produit que vous venez d’ajouter à votre panier.
Au-delà de l’e-commerce, les sites web “classiques” dopés à l’IA offrent une expérience personnalisée à chaque utilisateur, en adaptant leur contenu aux données concernant chaque profil ainsi qu’au comportement du visiteur, en temps réel, plutôt que de recourir à l’AB testing qui demande bien plus de temps et ne se fait qu’a posteriori, lorsque l’expérience utilisateur a déjà eu lieu.
Enfin, les agents conversationnels, plus discrets que les outils de synthèse vocale et donc plus efficaces, contribueront également au confort des utilisateurs en offrant la possibilité d’interagir avec une interface se substituant peu à peu aux services à la clientèle, avant, pendant et après l’acquisition de biens et services.
Les géants du Net ont bien saisi l’importance de ces technologies reposant sur l’intelligence artificielle et mettent dores et déjà le fruit de leurs travaux en open source afin de favoriser les progrès des chercheurs bien conscients que sans une approche collaborative, leurs efforts mettront bien plus de temps à porter leurs fruits.
Il est donc essentiel pour notre secteur de se montrer capable de se réinventer constamment et de chercher en permanence à enrichir sa panoplie d’outils capables d’enrichir les expériences utilisateurs. L’on ne peut plus se contenter de sites web responsive : il s’agit de proposer des sites adaptatifs dont le contenu dépend des préférences et du comportement de l’utilisateur, et les outils permettent désormais d’anticiper tout cela. Il s’agit de savoir avant eux ce que veulent les consommateurs digitaux, ou à tout le moins de le savoir avant que ceux-ci ne le demandent.
Les expériences utilisateur de demain ne seront pas uniquement plus riches : elles seront également plus intelligentes.