20 ans plus tard, je ris encore des prédictions apocalyptiques des Nostradami Nul.Zéro qui nous promettaient à l’époque une fin du monde à base de 1 et de 0. Voici donc ce que j’aurais pu écrire un soir de décembre 1999, sans rien inventer, en me contentant d’une revue de presse animée par des publications respectable qui auraient trébuché dans le caniveau pour se noyer dans l’hystérie collective. Et aujourd’hui encore, en 2019, les diseuses de mésaventure courent toujours : les prédictions ont changé de nature mais pas de délire.
« Il est de plus en plus probable qu’il n’y aura pas d’avions le 1er janvier 2000. »
Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’Économie et des Finances, novembre 1998
« C’est comme la fin du siècle, on aura tout compris… » Ce qu’on a surtout compris, c’est que les progrès scientifiques et technologiques formidables dont bénéficie l’humanité depuis le début de l’ère moderne ne sont pas près de venir à bout des superstitions les plus fantaisistes : si la nature humaine est indéniablement dotée d’une salutaire curiosité scientifique, elle est également munie d’une créativité qui s’égare encore trop souvent dans un imaginaire absurde teinté de panique existentielle. Florilège de délires collectifs à relents bibliques sur fond de trompettes de l’apocalypse.
Chassez le naturel, il revient au galop : on aura beau envoyer des hommes sur la lune et cloner des chèvres, l’irrationnel, apparemment infatigable, se rappelle régulièrement à notre « bon » souvenir. En cette veille d’an nouveau, l’on ne peut pratiquement pas ouvrir les yeux ou les oreilles sans lire ou entendre des prédictions catastrophiques brandées Y2K qui feraient passer le prophète Philippulus, qui annonçait à Tintin la fin des temps dans L’Étoile mystérieuse, pour un gars raisonnable.
Et pourtant…
Alors que la planète dénombre déjà plus de 150 millions d’utilisateurs d’Internet, ses effets bénéfiques sur l’évolution de notre civilisation font passer les virus informatiques Melissa et Chernobyl pour de vulgaires rhumes, et les portails Altavista, Lycos et le petit dernier Google, qui vient de sortir de sa phase de beta test, permettent à tout un chacun de retrouver facilement n’importe contenu (scientifique inclus) disponible sur le web. Et grâce à l’application Wiki, qui permet de créer des projets collaboratifs ouverts à tout un chacun, l’on peut imaginer, pour la première fois de l’histoire de l’humanité, rassembler l’ensemble des connaissances et créations humaines dans une sorte de dictionnaire qui compterait 6 milliards de rédacteurs potentiels.
On pourrait donc légitimement s’attendre à plus de rationalité scientifique de la part de l’espèce humaine. Mais ces progrès accélèrent également la propagation de la bêtise et de la peur de l’effondrement civilisationnel imputé à ce bogue de l’an deux mille qui nous est servi à toutes les sauces : catastrophes nucléaires, avions tombant du ciel, centrales électriques en rade, système financier en lambeaux, émeutes urbaines, guérillas de quartier pour l’appropriation des dernières boîtes de conserve, la liste est aussi longue que débile. Si elle a coûté bonbon en mise à jour logicielles et matérielles dans d’innombrables organisations (100 milliards de dollars rien qu’aux États-Unis), la bombe Y2K annoncée ne sera certainement rien de plus qu’un pétard mouillé.
À qui profite le délire collectif ?
Avec lassitude, l’on remarquera que les plus ardents oiseaux de mauvaise augure font souvent partie de milieux fondamentalistes ou survivalistes annonçant à intervalles réguliers le prochain « Doomsday », que ce soit par impatience de faire partie des élus lors de l’apocalypse ou tout simplement par appât du gain. Les vendeurs de matériel de camping, d’abris antinucléaires et d’indulgences (les organisations religieuses sont exemptes d’impôt et donc très rentables outre-Atlantique) connaîtront probablement un excellent bilan comptable. Les secteur de l’IT, des éditeurs de software et des fabricants de hardware ne sont pas en reste, l’obsession d’être préparé en vue de la catastrophe imaginaires ayant dopé les chiffres d’affaire du secteur.
Cherchons l’intelligence ailleurs puisque sur Terre elle se fait rare
Puisqu’on trouve assez peu d’amour de la sagesse dans tout ce ramdam, finissons cette année par un peu de philosophie, avec l’existentielle question « Sommes-nous seuls dans l’univers ? », qui trouvera peut-être enfin une réponse grâce au Net : SETI@home, en ligne depuis peu, met en commun la force de calcul des ordinateurs des particuliers qui le souhaitent pour mieux scruter les cieux à la recherche de signes… d’intelligence extraterrestres sous la forme d’ondes radio ! Ce qui est au final infiniment plus rationnel que de prédire que l’humanité devra repartir de zéro juste parce que les deux derniers chiffres du calendrier grégorien font de même.