Robot playing piano

Quand la science court après la fiction

Depuis Jules Verne, chaque génération a eu droit à son lot d’auteurs de science-fiction, pour le meilleur comme pour le pire. Et les meilleurs d’entre eux ont changé le monde, parfois autant – si pas plus – que ne l’ont fait Rabelais, Cervantes, Swift, Hugo, Kundera et tous les autres grands maîtres du roman. Si ces derniers ont distillé la philosophie dans l’esprit des lecteurs et leur ont appris à concevoir l’existence hors des écoles poussiéreuses de la pensée érudite, les Verne, Dick, Gibson, Asimov, Herbert, Orwell, Spielberg, Kubrick et consorts ont fait rêver des générations de futurs ingénieurs. Lesquels ont ensuite créé une réalité rêvée à travers les récits de science-fiction de leur enfance.

Si les bons romanciers maîtrisent l’art de faire réfléchir en divertissant, les grands auteurs de science-fiction, eux, divertissent mais surtout inspirent leurs afficionados. Certains fans en viennent à s’orienter vers une carrière dans les STEM (Science, Technology, Engineering and Mathematics) pour donner vie aux inventions les plus folles de leurs écrivains fétiches. Des ingénieurs donnant vie aux sous-marins puis aux fusées interplanétaires de Jules Verne, aux Elon Musk et Jeff Bezos fantasmant la vie martienne imaginée par Philip K. Dick, sans oublier les génies derrière le projet Soli (Google ATAP) qui font passer l’interface à reconnaissance gestuelle de Minority Report pour un gadget de kermesse, j’en passe, et des meilleurs. 

Imagination. Inspiration. Création. Ad Libitum. 

À ce titre, l’opéra galactique Star Trek est réputé pour de nombreuses inventions devenues réalité, même si toutes ne lui sont pas exclusives : téléphones portables (dont l’option mains-libres), Tricordeur, téléportation (quantique uniquement, à ce jour), assistants personnels à intelligence artificielle, imprimantes 3D, traducteurs universels, tablettes tactiles, etc. . Il est d’ailleurs fort possible que votre prochain smartphone se déplie en tablette selon vos besoins, et n’ait que très peu de choses à envier aux interfaces tactiles qui font rêver tous les fans de la série Westworld. La science ne cessera probablement jamais de courir après la fiction.

Désormais, si la conquête spatiale est en bonne voie, la tendance est à l’intelligence artificielle et au transhumanisme chez bon nombre d’auteurs (dont certains n’évoquent pas forcément la science-fiction), et non des moindres ! Si le médecin et entrepreneur Laurent Alexandre n’est pas connu que pour ses écrits (il est, entre autres, cofondateur du site Doctissimo), ses romans, essais et conférences Tedx illustrent son obsession du transhumanisme, de la menace neurototalitariste, et d’un accès à l’immortalité « à brève échéance ».

Transhumanisme, polars et intelligence artificielle

Dans Google Démocratie, coécrit avec David Angevin, Laurent Alexandre imagine la confrontation entre Sergey Brin, cofondateur de Google qui serait sur le point d’atteindre la Singularité, ayant mis au point une intelligence artificielle consciente, et un richissime politicien conservateur, Milton Earle, qui voit Google comme une menace sur l’humanité. Leurs détectives privés respectifs s’y affrontent dans une Amérique où les manipulations génétiques, la chirurgie et la chimie font les beaux jours de l’eugénisme. Les mêmes auteurs nous livrent dans Adrian Humain 2.0 l’histoire d’un homme génétiquement amélioré, à l’intelligence et au physique parfaits, tueur en série d’humains non modifiés qu’il considère comme une sous-espèce à éliminer.

Dans La Chute de l’Empire Humain : Mémoires d’un Robot, Charles-Edouard Bouée nous offre le récit d’un robot retraçant son Histoire, celle de l’intelligence artificielle et de sa lutte contre des humains qui peinent à trouver leur place dans ce monde où la Singularité a déjà eu lieu. Même Dan Brown s’y est mis, à travers son dernier polar Origine, où se mêlent religion et technologie dans une aventure au cœur des origines de l’espèce humaine, ce qui ne manque pas de bouleverser toutes les croyances sur lesquelles l’Homme a basé sa Genèse.

A contrario, il arrive que certaines tendances futuristes prennent une direction technologique moins spectaculaire lorsque la réalité traduit la fiction. Et on se rend compte alors que l’être humain n’est pas encore totalement convaincu de l’utilité des greffes robotiques, alors que disposer d’un smartphone permet d’obtenir un résultat moins intrusif et tout aussi satisfaisant. Personnellement, je me contenterai de mon iPhone, de mon Apple Watch, de mes AirPods, voire de lunettes connectées, plutôt que de subir des opérations chirurgicales transformant mes cornées en écrans ou de me faire implanter microprocesseurs, balises et capteurs sensoriels en tous genres. 

3e loi de Clarke et agences digitales

La plus-value éventuelle n’en vaut tout simplement pas la peine : nos « gadgets » suffisent amplement à faire de nous des humains 2.0, que nos aïeux considéreraient quasiment comme divinités aux pouvoirs surnaturels. « Toute technologie suffisamment avancée est indiscernable de la magie» comme le dit si bien la 3e loi de Clarke, auteur de science-fiction dont cet article ne pouvait naturellement pas faire l’économie.

Et l’on retrouve d’ailleurs, chez les acteurs de la révolution digitale, nombre de geeks dont l’enfance fut bercée par l’un ou l’autre univers de science-fiction. Ce sont eux qui créent aujourd’hui le monde dont on rêvait hier : voitures autonomes, majordomes électroniques, affichage publicitaire personnalisé dans les lieux publics, smartphones servant d’interface pour à peu près tout, boutiques en ligne où les achats se font en un clic, etc. Et la transformation digitale s’accélérant, le délai entre l’imaginaire et sa réalisation est passé de quelques décennies à quelques mois. Les auteurs de science-fiction doivent désormais se renseigner minutieusement pour éviter « d’inventer » ce qui existe déjà !

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