Les banques de papa chatouillées par les néo-banques

Après l’hôtellerie avec AirBnb, les taxis avec Uber, la livraison de plats à domicile avec Deliveroo et tant d’autres industries où sont apparus des pure players bousculant l’ordre établi grâce à de nouveaux modèles business, c’est au tour des banques d’être challengées par des concurrents numériques dont les applications mobiles séduisent de plus en plus d’utilisateurs. Si l’on n’est pas près de voir s’écrouler les banques de papa, elles ont cependant tout intérêt à tirer les leçons de ce qui séduit tant les utilisateurs chez ces nouvelles banques digitales et leurs applications aussi efficaces que créatives.

Surnommées « fintech », ces pure players fournissent en fait des services pour lesquels l’écrasante majorité d’entre nous fait encore confiance, souvent faute de mieux, aux banques traditionnelles. Si celles-ci demeurent indispensables pour le grand public tant pour des raisons réglementaires que, entre autres, pour des services tels que les emprunts hypothécaires, crédits et autres activités « classiques » du secteur, la concurrence se durcit sur d’autres aspects pour lesquels elles bénéficiaient d’un monopole. Car si ces néo-banques et leurs applications ne peuvent pas (encore) remplacer les institutions traditionnelles, elles ont tant de longueurs d’avance au niveau de l’expérience utilisateur, de l’ergonomie et de leurs fonctionnalités que l’on s’étonne de ne pas encore voir érigées en standards de l’industrie. Petit tour d’horizon non exhaustif de ces fintechs qui m’ont sérieusement tapé dans l’œil.

N26, première néo-banque active en Belgique

Honneur au pionnier en Belgique : N26. Ayant obtenu une licence bancaire Allemande en 2016, la banque en ligne propose une appli ainsi qu’une version web accessible depuis d’autres appareils. Parmi ses nombreux atouts, qui ont immédiatement fait de l’ombre aux applis des banques traditionnelles et sont devenus des standards dans le secteur, citons la connexion sécurisée par empreinte digitale ou FaceID, l’implémentation d’Apple Pay et le contrôle total de votre carte Mastercard via l’application (modification des plafonds de dépenses et de retraits, activation ou désactivation de paiements à l’étranger, changement de code pin, blocage de la carte, etc.), le tout de manière totalement sécurisée (3DS). 

Permettant de disposer d’un véritable compte IBAN, N26 vous informe par notification push de toute activité sur votre compte et permet les transferts internationaux dans 19 devises. La possibilité d’assigner une catégorie à toutes vos transactions offre un aperçu statistique cristallin de vos finances, catégorisées automatiquement par intelligence artificielle, avant de les exporter au format CSV pour en faire bénéficier votre comptable. N26 est disponible en anglais, français, allemand, espagnol et italien, quel que soit votre pays de résidence. Si l’on attend toujours sa compatibilité avec Apple Pay en Belgique, Google Pay est déjà disponible sur N26 dans le royaume.

Revolut, la révolution fintech

Revolut est actuellement le leader du marché fintech tant en terme du nombre de clients qu’à travers l’étendue de ses fonctionnalités. Après avoir créé votre compte IBAN britannique (en euros, livres, dollars ou lei roumains) en quelques minutes depuis l’application, vous voilà client. Vous pouvez désormais créer des cartes virtuelles éphémères, bien pratiques pour les abonnements en ligne « à l’essai » exigeant une carte de banque, ou pour limiter vos dépenses à un budget précis pour un voyage. Revolut propose également d’acheter et d’échanger cinq cryptomonnaies (Bitcoin, Litecoin, Ethereum, Bitcoin Cash et XRP) et de recevoir des notifications lorsque celles-ci atteignent la valeur de votre choix. Des services exclusifs de conciergerie, d’accès LoungeKey, d’assurance (pour vos bagages, vols retardés et frais médicaux à l’étranger) et de livraison internationale sont également accessibles.

Le nec plus ultra : bunq

En ce qui concerne la technologie, la créativité et l’expérience utilisateur, bunq se détache clairement de ses concurrents : comme les deux marques précitées, son application permet une gestion totale de vos comptes, de leurs réglages et de leurs fonctionnalités. Véritable banque néerlandaise, bunq est compatible avec Apple Pay, permet l’utilisation sans frais d’autres devises, 10 retraits par mois partout dans le monde, des transferts à taux de change réel via TransferWise, jusqu’à 25 comptes à IBAN unique pour mieux gérer vos différents budgets, une épargne automatique personnalisable et des cartes virtuelles. 

Particulièrement utiles : les comptes joints configurés en un seul clic pour les dépenses du ménage (accès complet partagé), par exemple, ou pour permettre à votre comptable l’accès à votre compte professionnel (accès restreint où vous devez valider les transactions). Il est également possible d’effectuer des transactions depuis 2 comptes différents à partir d’une même carte à laquelle ont été assignés 2 codes PIN différents. Permettant l’automatisation des paiements via des fichiers structurés, la reconnaissance automatique des formulaires de virement et l’encodage automatique de factures depuis un fichier scanné, bunq facilite grandement la gestion des comptes professionnels. 

En outre, les liens de paiement à envoyer comme rappels sont très efficaces, l’ergonomie de l’application est extrêmement bien pensée, l’approche de gamification permet de découvrir facilement toutes les fonctionnalités, et il est possible de choisir la manière dont bunq place votre argent : exclusivement dans des entreprises vertes, dans des prêts personnels ou encore via la BCE. Son API ouverte, qui ouvre la porte à un monde d’applications sur mesure liées à votre compte, ou encore l’authentification via la reconnaissance des vaisseaux sanguins de votre main comptent parmi les nombreuses cerises sur le très appétissant gâteau de la banque néerlandaise.

Dépenser ses cryptomonnaies facilement avec Wirex

Wirex est un concept un peu différent : plus qu’une véritable banque, son originalité et son utilité reposent sur le concept de portefeuille de cryptomonnaies, permettant de gérer depuis une plateforme unique 18 devises traditionnelles et numériques. Si les utilisateurs sont naturellement tributaires des délais de conversion propres aux différentes cryptomonnaies, ils bénéficient cependant des taux en temps réel, et surtout peuvent les dépenser à ce taux depuis une carte Visa. Ce qui est particulièrement efficace vu qu’actuellement, il est encore exceptionnel de pouvoir régler une transaction via un transfert de cryptomonnaies, alors que les paiements par carte Visa sont possibles partout en ligne et dans la plupart des points de vente physiques acceptant les cartes de crédit.

Le meilleur ami des PME : Holvi

Holvi est une banque finlandaise s’adressant aux entrepreneurs et freelances, leur offrant une gestion tout-en-un de leurs comptes et comptabilités et même un service intégré d’e-commerce : en quelques minutes, votre boutique en ligne est lancée, moyen de paiements et gestion des factures inclus. Toute la paperasserie est simplifiée et centralisée, ainsi que vos dépenses, via la Mastercard liée à votre compte. Créer et gérer votre PME n’a jamais été aussi simple, et grâce au concept estonien de e-Residency, les entrepreneurs de toute l’Union européenne peuvent passer par Holvi pour échapper aux longs processus administratifs classiques et créer leur entreprise rapidement, de manière sécurisée et légale. Tout en voyant passer leur e-commerce de projet à succès en moins de temps qu’il n’en faut pour débloquer sa carte SIM chez certains opérateurs téléphoniques. 

Payer d’un coup de poignet grâce à Boon

Au rayon des applications fort utiles, citons également Boon, produite par la société allemande Wirecard, et qui crée une Mastercard prépayée virtuelle pour vous permettre d’utiliser Apple Pay, Google Pay, Garmin Pay et Fitbit Pay avec votre carte de crédit même si votre banque ne le permet pas encore. Il vous suffit alors d’alimenter cette carte virtuelle pour pouvoir dépenser votre argent d’un geste de votre poignet. Et n’oublions pas non plus Curve, qui vous permet de regrouper toutes vos cartes de crédit Mastercard et Visa en une seule carte physique, et de choisir via l’application celle dont vous souhaitez vous servir. Cet émulateur de cartes simplifie également la gestion de vos notes de frais et offre un programme de cashback sur vos dépenses, comme la plupart des applications présentées dans cet article.

Des années de retard à combler

À la liste de ces fonctionnalités, on se rend compte que nos banques belges sont encore loin d’être au niveau des attentes des utilisateurs en termes d’expérience bancaire. Il devient donc de plus en plus irrésistible d’abandonner les applications primitives des banques historiques belges au profit de ces néo-banques en phase avec le monde moderne. Les gains de temps au niveau de la gestion administrative, de la comptabilité, sans parler d’éviter les mésaventures vous laissant sans moyen de paiement à l’étranger faute d’application efficace et de service clientèle disponible, démontrent un retard des banques de papa que l’on imagine difficile à rattraper. 

Heureusement pour elles, les banques à l’ancienne offrent encore des services dont les utilisateurs peuvent difficilement se passer, comme les prêts à la consommation, emprunts hypothécaires et autres. Car sans cela, elles verraient leur clientèle leur filer entre les doigts en moins de temps qu’il n’en faut pour transférer de l’argent entre deux comptes de banques traditionnelles concurrentes…

Le travail a-t-il un avenir ?

« Travailleurs, travailleuses… » Cette ouverture classique des discours politiques d’influence marxiste sera-t-elle bientôt définitivement obsolète ? Quelles que soient les considérations politiques des uns et des autres, les faits sont là : la robotisation galopante et les progrès de l’intelligence artificielle ont déjà commencé à chambouler la conception que nous nous faisons du travail. Dans un futur très proche, cette mutation aura tant progressé que la nécessité de réinventer en profondeur notre rapport à l’emploi, au labeur, au salaire et, en fait, à tous les aspects de cette notion si centrale dans nos vies, s’imposera par la force des choses. Quel est donc l’avenir du travail ? Commençons par nous demander s’il en a un, d’avenir…

Depuis la révolution industrielle, notre rapport au travail s’est modifié de manière radicale, comme jamais auparavant dans l’histoire de l’humanité. D’une société majoritairement agricole constituée de familles, pour la majorité pauvres mais relativement autosuffisantes sauf en cas de mauvaise récolte, où n’existaient que quelques dizaines de métiers, le monde a évolué, non sans violences et remous, vers une société dont la production industrielle centralisait toutes les forces vives. Les villes se sont transformées en quelques décennies, aspirant bon gré mal gré une population paysanne venue vendre sa force de travail dans les centres urbains, faute de pouvoir continuer à vivre sur les communs agricoles, dont ils furent souvent expropriés par la force des intérêts bourgeois et aristocratiques. Le travail passait ainsi de labeur au produit concret en lien direct avec les besoins vitaux des familles, à un concept de plus en plus spécialisé selon des besoins « supérieurs » et dont le produit était un salaire « permettant » de subvenir aux besoins individuels via l’achat de biens et services à d’autres professionnels, eux aussi spécialisés.

Depuis la moitié du XXe siècle, la part de l’industrie dans les pays… « industrialisés » s’est érodée au profit du tertiaire : les services constituent en effet à l’heure actuelle plus de trois quarts du PIB belge, l’agriculture oscillant autour du pourcent, et l’industrie autour de 20 %. La mécanisation et l’automatisation de la production industrielle, couplées à la délocalisation vers des mains d’œuvre meilleur marché, ont en effet réduit la part de l’industrie, et donc de ses travailleurs, dans les économies occidentales. Cela a entraîné un décuplement des métiers de services, que certains ont naïvement cru à l’abri de la robotisation. Des caisses automatiques dans les grandes surfaces aux drones-livreurs, suite logique des distributeurs automatiques en tous genres, cette place s’est réduite sans surprise au cours des dernières dizaines d’années, et les « petites mains » ont quasi systématiquement été remplacées par des machines.

Désormais, ce sont les métiers dits « intellectuels » qui sont en train de se faire rattraper par l’intelligence artificielle, comme on le constate dans le secteur financier par exemple, où les prouesses technologiques réduisent toujours plus la part humaine nécessaire. Mais même les chirurgiens, les enseignants ou encore les architectes, pour ne citer qu’eux, voient croître sans cesse la part de leur métier déléguée à nos serviables robots. Face à l’inévitable obsolescence qui attend les humains dans quasi tous les secteurs d’activité, les notions mêmes d’emploi et de salaire doivent bénéficier d’une réinvention totale de leur signification dans nos vies. Dans un monde où les tâches essentielles à la survie des individus, à leur confort, à leur niveau de vie et à leurs habitudes, sont assumées chaque jour un peu plus par les robots, quelle est la pertinence d’un emploi salarié à 40 heures par semaine ? En conservant la logique productiviste capitaliste, le poids des salaires n’a plus beaucoup de sens, mais sans maintenir le pouvoir d’achat de la population, le système s’écroule. Alors quoi ?

Dans ce contexte, la notion de revenu de base universel, un revenu minimum sans conditions versé à tout citoyen majeur, pourrait apparaître comme une utopie gauchiste née dans le pétard d’un hippie en train de délirer à Woodstock. Il n’en est rien : cette solution apparaît essentielle pour éviter une révolution qui mettrait le feu à tout le système. Il s’agirait de se servir des énormes richesses créées depuis plus d’un demi-siècle pour pallier la disparition des emplois, permettant jusqu’à présent de maintenir un niveau de vie suffisant pour que tourne l’économie, dont la consommation des ménages constitue une des clés de voûte. 

En permettant à tout un chacun de ne pas se soucier de ses revenus, et donc de sa survie, l’on encouragerait la créativité, l’entreprenariat, et surtout l’on permettrait à tant de forces vives contraintes aujourd’hui de gagner leur vie, de demain contribuer à la société de manière plus satisfaisante : en donnant un sens à cette contribution dont sont privés tant de métiers pour lesquels « gagner sa vie » constitue la seule véritable motivation. Sans peur de l’échec financier, en donnant la priorité au sens, tant personnel que pour autrui, de sa participation proactive et librement choisie à la société, l’individu est plus susceptible d’accomplir son plein potentiel, et donc, paradoxalement, cette liberté individuelle accrue se traduit en une utilité sociale décuplée.  

Si l’on prend en compte également tous les avantages liés à la santé, mentale et physique, qu’implique cette libération, ainsi que l’amélioration du tissu social, grâce à la nouvelle valeur accordée à l’équilibre travail-vie privée (prendre soin de sa famille, enfants ou aînés, ne se faisant plus au détriment d’impératifs matériels), des perspectives bien plus encourageantes que le pessimisme radical actuel s’offrent à nous. Mais pour cela, il faudra faire les bons choix, en tant qu’individus et en tant que société, pour permettre aux jeunes générations de bénéficier d’une éducation et de valeurs compatibles avec les exigences d’un monde où le travail s’invente individuellement, et où la valeur économique est liée à l’utilité sociétale que chacun se crée pour lui-même et pour la société.